"Dans cet article, je réfléchis à la relation entre don et marché éditorial en Afrique francophone ainsi qu’à son évolution. Comme je l’observe, l’intensification du don et la diffusion de l’idée qu’il n’y a pas de livres en Afrique coïncide avec l’essor de ce que l’on appelle ‘la mondialisation éditoriale’ à partir du début des années 80. Je relève par ailleurs que cette période correspond à la mise en place du plan d’ajustement structurel (PAS) par les institutions dites ‘de Bretton-Woods’. Dans les années qui suivront, le secteur éditorial sera un des premiers touchés par les mesures d’austérité imposées par les bailleurs internationaux ... Comme je l’observe, le don de livres importé par une diversité de structures occupe une place historique en Afrique francophone, participant à l’omniprésence de l’édition du Nord. L’édition africaine se trouve alors réduite à la portion congrue de 10% des livres présents en librairies. Idem pour le livre scolaire, monopolisé à plus de 80% par l’édition étrangère, essentiellement française. Un des arguments prioritaires du don de livre en Afrique, c’est qu’il n’y a pas (ou pas assez) de livres. C’est en fait, peut-être, l’inverse: il y a un monopole du livre étranger qui ne permettrait pas au livre africain de rayonner suffisamment pour être connu/reconnu dans le monde. Le don serait donc la ‘fin de chaine’ d’un processus de minorisation: il contribuerait à la sous-représentation documentaire, voire à la dévalorisation des productions africaines, véhiculant l’image d’un continent de friche éditoriale… Mais tout comme cette vision est simplificatrice, il est réducteur de limiter le don à un processus strictement inégalitaire et partie prenante d’un système économique et idéologique de domination culturelle: c’est précisément cette diversité du don qui en rend l’analyse passionnante. Dans cet article, je propose une analyse des pratiques de don et de ses différents visages en Afrique francophone. Comme je le montre, son évolution est intrinsèquement liée à une histoire institutionnelle et aux relations de coopération développées entre États africains et bailleurs internationaux, depuis le matin même des Indépendances (fin des années 50/début des années 60). Celles-ci ont tout d’abord concerné séparément les développements structurel et culturel, avant que ne commence à naitre une idée de culture comme condition du développement économique." (Résumè, p.5-6)