"Comment une œuvre littéraire accède-t-elle au rang de « classique » lorsque son auteur est issu d’Afrique subsaharienne francophone, l’une des zones les plus déshéritées du monde selon les standards culturels internationaux ? Si les noms de Léopold Sédar Senghor et d’Ahmadou Kouroum
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a se sont imposés partout, pourquoi d’autres auteurs, portés au pinacle en Europe, restent-ils peu connus dans leurs pays d’origine, quand les textes d’Aminata Sow Fall et de Seydou Badian, étudiés et discutés au Sénégal et au Mali, ne le sont pas en France ? Ce livre propose une histoire sociale collective de ces écrivains depuis 1960. Il distingue deux protagonistes majeurs : des intermédiaires culturels (organisateurs de festival, éditeurs, agents littéraires), souvent français, et des auteurs nés et socialisés en Afrique subsaharienne francophone, dont les trajectoires sont situées les unes par rapport aux autres dans un espace littéraire africain en recomposition. Nourri de nombreux entretiens, fondé sur le dépouillement d’archives inédites et sur une étude statistique, cet ouvrage majeur décrit par quels mécanismes symboliques et matériels des écrivains originaires d’Afrique subsaharienne francophone sont devenus, sous diférentes formes, des classiques africains." (Dos de couverture)
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"Entreprise de domination par excellence, la colonisation s’est accompagnée et nourrie de représentations savantes, littéraires et artistiques, des sociétés colonisées, qui ont servi à la légitimer, au nom d’une prétendue mission civilisatrice de l’Occident, ou encore d’une soi-disa
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nt hiérarchie des « races » et des cultures. Relayées par la presse notamment, elles ont connu une large diffusion par le biais de récits d’aventure et d’une imagerie populaire qui excitaient les sentiments patriotiques et les rêves de grandeur dans le cadre de la compétition entre les États-nations tout en exaltant l’imaginaire mythique et en suscitant des émotions aptes à satisfaire le goût d’exotisme en vogue dans les milieux mondains. C’est pourquoi la critique et la déconstruction de ces représentations furent des enjeux symboliques majeurs du combat anticolonial et antiraciste. Pour des auteurs comme W. E. Du Bois, Albert Memmi, Michel Leiris ou Frantz Fanon, il s’agissait également de porter au jour le point de vue des colonisés, qui n’était perçu jusque-là que comme un groupe-objet, de restituer leur subjectivité (ce qu’on appelle en anglais « agency »), tandis qu’un Aimé Césaire, porte-parole du mouvement de la « négritude », qui retournait le stigmate en emblème, opposait aux soi-disant bienfaits de la colonisation pour les colonisés la déshumanisation des colonisateurs par leur entreprise. La période postcoloniale a ouvert un espace de réflexion plus distanciée pour penser les rapports de domination en situation coloniale. Ces représentations sont devenues un objet d’étude dans les sciences humaines et, plus récemment, dans les sciences sociales." (Introduction)
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